Fierté. Maître-mot de la soirée
du côté de Bernabeù. Le frissonnant spectacle des 80 000 drapeaux blancs
agités fiévreusement à quelques secondes du match est très évocateur. Le
madridisme avait besoin, au-delà de la victoire, d’une démonstration d’abnégation
de la part de joueurs paraissant lamentablement suffisants en ce début de
saison. Et Dieu, on a été servi !
La folle
entame !
La couleur est annoncée dès le
début. Comme il y a un an en aller de la Supercoupe, les merengues sont chauffés à blanc. Di Maria, Özil et Higuain y vont
de leur pressing fou. Sauf que cette fois, les catalans tardent à calmer les
ardeurs adverses. Dès qu’ils franchissent le premier rideau madrilène, Busquets
et consort se heurtent à la paire Alonso-Khedira, placée anormalement aux
abords du dernier quart du terrain barcelonais. Les récupérations se
multiplient, Higuain reçoit le gonfle dans la surface, enchaîne et lâche une frappe
bien molle dans les mains de Valdès. Quelques minutes plus tard, alors que les blaugranas commençaient à grignoter
quelques mètres, l’inéluctable se produit. Long ballon en cloche vers Higuain
délaissé par Mascherano, Pipita ne
tremble heureusement pas en la mettant au fond. Poussés par la fougue d’un
stade déchaîné, continuent leurs enchaînements. Marcelo et Di Maria se régalent
sur leurs lignes de touche, tout en récupérant la possession aussitôt qu’ils la
perdent. Mais c’est par un autre long ballon que Madrid creusera son petit
trou. Messi se troue sur un de ces premiers ballons. Khedira récupère et
balance devant. A la chute du ballon, deux hommes, Ronaldo et Piqué. D’un imprévisible
lob du talon, CR7 lâche son éternel vis-à-vis. Blocage hasardeux par la suite,
mais c’était écrit. Ronaldo doit inscrire ce 5ème but consécutif en
autant de clasicos. Le pauvre Valdès dévie, mais dans ses filets.
Ah…
ce rouge.
Que faire ? Temporiser ou
enfoncer ? Croire en ce fou espoir d’une manita de revanche ou appréhender un retournement de situation des
catalans ? Les joueurs de Madrid ne semblent pas se poser les mêmes
questions que ces névrosés de supporters, ils sont sur un nuage. Mascherano
prend un jaune après un écran sur Di Maria et dans la foulée, Ronaldo échappe à
Adriano et n’entrevoit que le pauvre Valdès. Le latéral brésilien choisit en un
brin de seconde de ceinturer le portugais. Vaut mieux prendre un rouge qu’un
3-0 à la demi-heure de jeu, a-t’il probablement jugé.
Et vint alors ce rouge… Ce
petit détail qui oblige une équipe victorieuse à changer quelque chose alors qu’elle
veut juste que rien ne change là-haut dans son petit nuage. Vilanova sort dans
la foulée Alexis pour rétablir sa ligne défensive avec le jeune Montoya. L’espace
de quelques minutes, on aurait pu croire qu’El
Heredero puisse renouer avec la folle défense à 3 de son mentor.
Ce fait de jeu refroidit paradoxalement
les ardeurs qui planaient jusque là sur le Bernabeù. Madrid baisse d’un cran et
Busquets tisse sa toile. Messi touche quelques ballons avant de décrocher son
petit sésame. Un coup franc placé au centre, à 25 mètres. Casillas place un
frileux mur que la Pulga perce d’une
magistrale frappe enroulée. Depuis 2005 et Ronaldinho, le Barça n’avait plus
marqué sur coup de pied arrêté dans les face-à-face avec le Real. Le match est
relancé alors que M. Lahoz indique le chemin des vestiaires au beau monde sur
le terrain.
Western
spaghetti
Elle fût longue cette mi-temps.
Quand on imagine déjà Barcelone recoller au score, plantant des madrilènes
cramés avant de marquer un troisième but sur contre à la dernière minute. Dur d’imaginer
ces moqueries qui ne tarderont à fuser, ces louanges envers un Barça remontant
2 buts avec infériorité numérique. Et puis surtout, un Barça célébrant la coupe
dans un triste Cha Martin.
Les doutes ne se dissiperont
pas aussitôt. Ils ne se dissiperont qu’au sifflet final. Mais entre temps, les
joueurs de Mourinho ont marqué plein de pauvres existences par leur heureuse empreinte.
Fougue, maîtrise, tacles enragés et délicieuses phases offensives que le damné
d’Higuain a préféré de ne pas concrétiser. La seconde période ressemblait à ces
duels mexicains des westerns spaghettis. Chacun pointait son pistolet sur le
front de l’autre. L’odeur de la mort fuse et submerge le stade à chaque
attaque, d’un côté puis de l’autre. Song fait son baptême, suivi de Modric. Le
petit lutin croate aide ces coéquipiers à gagner de précieuses secondes en ces
moments où les secondes semblent comme par magie durer de longues heures. A 30
secondes du sifflet, les aficionados
veulent y croire, ils brandissent leurs drapeaux et se lèvent de leurs sièges
douillets. Non, vamos a ganar cette
fois, c’est la nôtre. Ce fût effectivement la nôtre. Mourinho a reproduit son
Inter-Barça d’antan et continue son chef-d’œuvre avec la troisième coupe sur
trois décernés sur le sol espagnol. Le regard est désormais tourné à l’autre,
la salope aux grandes oreilles.