6.7.12

Le calice jusqu'à la lie (Italie 0-4 Espagne)


« Je hais les dimanches », chantent Raphaël, Edith Piaf et tous ceux que hante la peur du lundi. Pourtant, le dimanche 24, Pirlo avait, à lui seul, su teinter de douceur une de ces soirées dominicales comme d’aucun ne les porte spécialement dans son cœur. Le dimanche d’après, le chemin retour du café se fait tête basse. Ces enfoirés d’espagnols ont gâché la fête. Ils ricanent là de leurs voix stridentes alors qu’une nouvelle semaine pointe le nez. Non, cette fois, le foot n’a pas été magique.

Au coup d’envoi, tiraillement entre cœur et raison. Si l’on ne se tient qu’à la dernière, les allemands auraient été mieux placés pour subtiliser le titre aux espagnols. Le cœur, lui, croit en l’Italie. Celui de Buffon devait battre la chamade au moment où sa voix couvre littéralement celle de l’orchestre jouant Fratelli d’Italia.

Il y a trois semaines, un dimanche encore, les italiens avaient su tenir tête aux tenants du titre. Prandelli avait aligné un 3-5-2 qui avait étouffé la mise en place du jeu espagnol. Blessures, fatigue et autres aléas ont poussé depuis  le stratège italien à revenir à un 4 -4 -2 plus ‘rationnel’. En face, Del Bosque n’avait qu’une seule petite hésitation au niveau de la pointe de l’attaque, si pointe il y a. Commençant le tournoi avec un Fabregas en guise de faux neuf, Vincent Dubois a depuis fait appel à Torres ou encore Negredo, pour enfin revenir à l’option Fabregas à l’heure d’aborder la troisième finale consécutive de l’Espagne dans une compétition majeure.

Je ne pouvais pas supporter une nouvelle victoire des nains de jardin, non. Ces dictateurs de la possession savent garder le ballon, je le concède. Mais que ce soit en Afrique du Sud ou en Polognukraine, cette possession s’exerçait de plus en plus au milieu du terrain, avec de plus en plus de foutues passes en retrait. Face à l’Irlande, on criait au génie. En plus de m’être ennuyé, j’étais irrité de voir les champions du monde s’échanger de très courtes et interminables passes près de la ligne de touche, alors qu’ils menaient 4-0. Ce n’était pas de l’économie d’énergie, mais bel et bien un sadisme footballistique dans ses plus cruelles expressions.

Dimanche dernier, les 6 milieux espagnols ont pu avoir raison du joli diamant italien. Alors que les portugais avait opté pour un marquage individuel où même Busquets s’est trouvé avec un vis-à-vis, les hommes de Prandelli avaient reconduit la même stratégie adoptée face aux teutons. Mais Pirlo n’avait pas la même marge de manœuvre habituelle, butant toujours sur un Xavi comme ressuscité. Le virtuose barisien a du coup joué plus bas, sans pouvoir distiller de longues passes telles qu’il a pu délivrer tout au long du tournoi. Ceci étant dit, Marchisio et Montolivo ont pu faire parvenir plusieurs ballons à l’attaque transalpine, dérangeant sensiblement le désormais fébrile Piqué.

Constatant que cette finale ne sera pas la fête de la possession face à des azzurri accrocheurs, Xabi Alonso prend les choses en main. Le docteur ès ‘transversales et changements d’aile’ s’est occupé de rappeler qu’il ne faut pas nécessairement 50 passes pour arriver à la zone adverse. Longue passe vers Fabregas, Chiellini dans le vent. Cesc passe le ballon en retrait sur la tête croisée d’un Silva à l’apogée de sa carrière. L’Espagne ouvre le score après… seulement 36 secondes de possession.

Les italiens, qui n’avaient jamais été menés au score dans cet Euro,  viennent d’encaisser un but en finale. Et y’a-t-il pire que d’être menés au score par les espagnols ? Privation de ballon, passe à 10, provocation, recherche du but égalisateur, dégarnison des lignes arrière, accélération, passe assassine et break. Le second but de Jordi Alba était écrit d’avance, même si la squadra s’est créée de franches occasions toutes annihilées par Casillas. Là encore, le but du néo-culé trahit les fondamentaux de la tiki-taka : 4 passes pour seulement 13 secondes de possession.
 
La seconde mi-temps est un non lieu du foot, surtout après l’épisode Motta. Rentré à la 60ème minute à la place de Montolivo, il s’agit du dernier pion que lance Prandelli dans le champ de la bataille. Deux petites minutes plus tard, le joueur du PSG se tord de douleur suite à ce qui semble être une élongation musculaire. A 10, fatigués, lessivés, menés à 2-0, les ritals subissent la dure loi espagnole. ‘Tu souffriras, tu souffriras. Tu verrais le ballon circuler lentement entre Alonso et Busquets, puis Xaxi, et au moment où tu placeras ta petite course courageuse, retour à l’expéditeur entre les bois. Puis Casillas, à Ramos, à Piqué,… Tu boiras le calice jusqu’à la lie’. Heureusement pour les vaincus du jour, tous les bourreaux ne sont pas cruels. Torres et Mata achèvent dès leur rentrée la victime du jour alors que Casillas presse M. Proença de mettre fin au supplice.

Le foot tient son super-champion. Tant pis s’il n’a rien de chevaleresque. La presse porte l’Espagne aux cieux, et les gens s’auto-congratulent d’avoir pu regarder en live celle qu’ils nomment désormais unanimement meilleure sélection de l’histoire.  Un si joli Euro aurait pourtant mérité une bien moins triste issue.   





 Bonus track : 


Raphaël - Je hais les dimanches (Pacific 131)

1 commentaire:

  1. Foot qui ne me passionne point, mais des mots qui retiennent jusqu'au point de la fin!
    Longue vie à l'écriture, à la tienne!


    Une lectrice ..

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